Chers collègues,
Nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation particulière, à distance, pour une séance numérique. Nous sommes sans doute la première assemblée à se réunir de la sorte.
Tout d’abord, je voudrais que nous ayons une pensée pour les 62 personnes qui ont perdu la vie en Corse à cause du Covid-19 et à leurs familles. Depuis notre dernière séance, nous avons perdu également trois anciens conseillers de notre assemblée. Je veux parler de Lucien Felli, Nicolas Alfonsi et Paul Natali. Je vous propose que nous leur rendions l’hommage public qu’ils méritent lorsque nous pourrons à nouveau nous réunir.
Et puis, je voulais saluer les personnels hospitaliers, ceux des EHPAD et tous ceux qui continuent à travailler malgré les conditions difficiles et les risques. Je veux parler des caissières, facteurs, transporteurs, agriculteurs et pêcheurs qui permettent de maintenir la vie. Je veux également remercier les services de la Collectivité de Corse qui ont permis une continuité de l’action publique, comme par exemple, l’organisation de cette séance.  
Notre pays - qui l’aurait cru ? -  est devenu un lieu dangereux pour nos anciens. Si l’épidémie touche toute la population, je sais combien il a été difficile pour les familles de rester éloignées des leurs.
Je veux leur dire que de notre côté, si nous n’avons pas tous les pouvoirs, nous avons cherché à les protéger du danger, autant que nous avons pu le faire. Nous avons demandé l’interruption des transports et la fermeture des écoles, le report des élections municipales, la généralisation des tests, l’expérimentation d’un traitement associant l’hydroxychloroquine et l’azithromycine.  
Le 27 mars dernier, j’ai présenté un rapport sanitaire « Luttà contr’à u Covid-19 » en conférence des Présidents avec une liste de propositions à mettre en œuvre immédiatement. Avec le fonds Corsica Sulidaria, et le soutien de plus de 800 donateurs, nous
avons récolté plus de 100 000 euros pour équiper les EHPAD et les hôpitaux. « Pestes et guerres trouvent toujours les gens aussi dépourvus » écrivait Camus. Depuis plus de vingt ans, les politiques sanitaires ont aussi affaibli les structures de santé. Avec une population âgée, un nombre important de personnes en ALD, plus de 30 000, sans CHU, peu de lits de réanimation, nous nous sommes trouvés davantage démunis que les autres, mais sans doute plus solidaires et avec un respect strict du confinement, avec des actions de solidarité, comme la création de masques dans nos villages. Sans trompettes, ni tambours, nous avons vu les Corses faire leur « métier d’Homme ». Ils ont compris que l’on ne pouvait attendre, que l’on ne pouvait rien négocier avec cette peste. Même si nous connaissons encore peu le Covid-19, ils ont pris les choses au sérieux, « avec le courage des sentiments », sans s’accommoder de la maladie. A l’accommodement aveugle, ils ont préféré la lutte collective et solidaire, en s’unissant pour lutter et vaincre ensemble.  
Même si le Président de la République a parlé d’un déconfinement pour le 11 mai, nous pensons que la maladie n’est pas derrière nous. Avec tous les sacrifices que nous avons faits, nous ne pouvons pas prendre le risque d’un déconfinement sans masques et protections pour tous et sans tests. La mise en œuvre de mesures sanitaires fortes, comme on le voit dans d’autres pays européens insulaires, moins touchés que nous, comme par exemple Malte avec seulement trois morts ou l’Islande, avec dix morts, est une promesse de réussite et d’avenir nouveau.  
Durant toute notre histoire, l’insularité a été présentée comme une faiblesse. Nous pouvons en faire une force, maintenant pour combattre la maladie et après aussi, quand viendra l’heure de la reconstruction, notre nouveau défi, pour recommencer à avoir la vie devant nous