
À l’Assemblée nationale, les députés débattent d’un budget d’austérité. Si le tour de vis fait grincer bien des dents, le temps des grèves et des grandes manifestations semble bien loin.
Entretien avec Charles Casabianca, secrétaire départemental de la CGT pour la Haute-Corse.
Propos recueillis par Christophe Giudicelli.
Quel est votre point de vue sur le contexte économique actuel ? Aujourd’hui, on découvre le contexte économique, et Michel Barnier l’a également découvert. Il y a un trou qui aurait été caché. Et si, dans notre système républicain, on arrive à cacher des milliards d’euros, c’est que quelque chose ne va pas. Il faut refaire de la politique pour nos concitoyens ; ils ont voté pour des projets. Et aujourd’hui, malheureusement, ces pro jets ne verront jamais le jour, puisque trois blocs se disputent une politique qui va à l’encontre des Français. Le gouvernement cherche 60 milliards d’euros d’économies. Selon vous, cherche-t-il au bon endroit ? L’argent, il faut le prendre où il est. Pas chez les salariés qui produisent de la richesse par leur travail mais chez toutes ces entreprises qui sont françaises mais ont des sièges sociaux à droite et à gauche pour échapper à la fiscalité. Des entreprises qui ont été aidées par les différents gouvernements. Il faut arrêter de les exonérer, à hauteur de 40 milliards d’euros par an, sans que ça ne crée d’emploi. Il y a seulement des dividendes et de la plus-value pour certains. La théorie du ruissellement d’Emmanuel Macron n’a jamais vu le jour. Ce que nous voudrions, c’est un ruisseau qui profite aux populations en difficulté et aux salariés. Il faut reprendre ce qu’on a donné aux entreprises pour les aider quand elles étaient en difficulté. Aujourd’hui, c’est à elles d’aider la France. On reparle de la vente des autoroutes. Payerions-nous 40 ans de mauvaise gestion ? L’État n’a pas perdu d’argent en vendant les autoroutes ; elles ont été vendues à un bon prix. L’État a perdu son propre bien, car nous roulons sur des autoroutes financées par les Français, mais dont la gestion est désormais privée. C’est une volonté politique. Aujourd’hui, en France, le capitalisme ne vit que de subventions. C’est un faux capitalisme qui ne dépend que de la dépense publique. Renationalisons ce qui doit l’être : l’énergie, les autoroutes, rendons aux Français le pouvoir de gérer leur patrimoine commun. L’État est la seule entité qui peut créer des budgets déficitaires. Il a 3 000 milliards de dette et on impose aux collectivités locales d’avoir des budgets équilibrés. Il faut une certaine rigueur, mais pas une rigueur à double tranchant. Ce n’est pas toujours aux mêmes de payer. Actuellement, ceux qui payent le plus sont la classe moyenne et les salariés, via notamment la TVA, qui est une des principales recettes de l’État (N.D.L.R. : près de 286 milliards d’euros en 2023, plus de 2,5 fois le mon tant de l’impôt sur le revenu, selon la Direction générale des Finances publiques). Il faut revenir à un État « bon père de famille », gestionnaire, changer de politique, taxer comme il se doit les groupes qui font de la spéculation en bourse, délocalisent. Quel est le risque de ce budget selon vous ? La conséquence sociale sera sûrement moins d’investissements publics, moins d’argent public injecté dans les régions, tout est lié à la commande publique, c’est là tout le paradoxe du capitalisme et du libéralisme. Si un organisme public ne finance pas les grands travaux, les grandes nécessités, on s’aperçoit que notre système tombe à l’eau. Il faut un plan Marshall de l’investissement. L’investissement, ce n’est pas de la dette, c’est quelque chose qui permet d’améliorer le quotidien des gens, d’évoluer technologiquement et structurellement. On ne voit pas pour l’heure de grande mobilisation… Les gens sont atterrés. Ils ne peuvent plus se permettre des journées d’action et de perdre de l’argent à la fin du mois ; il faut payer son crédit. On a créé des systèmes comme le comité social et économique pour détruire les contre-pouvoirs que sont les syndicats, qui, je le rappelle, sont des forces de proposition. C’est aux Français aussi de ne pas tomber dans le populisme et croire à des chimères. Ils devraient regarder de plus près ce que font les députés à l’Assemblée Nationale et les politiques qui sont mises en place. On casse l’école, on casse l’hôpital public, on casse la sécurité sociale.