Société

Un coup d’œil à l’actua lité récente suffit à s’en convaincre. À quelques jours de Noël, alors que la paix dans les cœurs est aux abonnés absents, égalité et fra ternité lui tiennent trop souvent compagnie. On a vu, par exemple, les mêmes qui rappellent à longueur d’année que « la Corse, c’est en France ! » affirmer sur tous les tons que le pape n’aime pas la France puisqu’il s’est rendu en Corse mais pas à Paris. Énième confirmation que pour certains, le pays se résume à sa capitale, ce joyau que les « territoires » ont vocation à sertir et servir. En silence de préférence. Comme chaque année, on a assisté à un concours de propos infects à l’occasion de la finale de Miss France. Cette édition restera cela dit un cru exceptionnel, entre le racisme qu’a pu rencontrer Sabah Aïb depuis qu’elle est devenue Miss Nord-Pas-de-Calais et les commentaires odieux visant la gagnante, Angélique Angarni-Filopon, Miss Martinique. Les territoires d’Outre-mer, on est ravis de les « posséder » mais de là à ce qu’une de leurs enfants, qui a de sur croît dépassé la trentaine, incarne la femme française, n’exagérons pas ! Et surtout, il y a Mayotte, une terre française mais délaissée, sous-développée, où les mesures d’urgence se font attendre après le passage du cyclone Chido. Où l’action de la puissance publique se résume à un couvre-feu, un deuil national et la promesse de nou velles mesures contre l’immigration. L’attitude du nouveau Pre mier ministre qui oublie que le « territoire national » c’est aussi cet archipel dévasté ; en rajoute avec « Pau, c’est en France » ; se lance dans un laïus fumeux sur la « rupture entre la vie de province et le cercle du pouvoir à Paris » et propose de reloger les Mahorais dans des préfabriqués « pas très chers » permet de mesurer l’étendue de la fracture. Que des citoyens, pour la plupart modestes, tentent ici de combler de leur mieux par des dons. En mettant de côté l’arrière pensée amère qu’en leur qualité de contribuables, ils ont censément déjà donné et que les mécènes de Notre-Dame ne se sont pas mani festés, cette fois. Une raison, finalement, d’espérer en l’homme et en un peuple. Lequel mérite mieux que le spectacle pitoyable don né, à ses dépens, par ses dirigeants.

Elisabeth MILLELIRI