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Les « MAGA », ces disciples de la secte trumpiste, n’ont pas l’exclusivité de l’obsession. On peut trouver des cohortes de personnes qui n’ont que le mot « grandeur » à la bouche dès qu’elles évoquent le futur possible de la France. Qu’elles fantasment sur un retour de Napoléon 1er ou qu’elles reprennent une citation de l’autre général dont se réclame ce courant d’idées, elles sont très claires sur un point : elles veulent la France « grande ». Sans trop préciser à quoi cela pourrait correspondre, d’ailleurs. On n’ose leur demander si c’est la version tricolore de la GroßDeutschland de sinistre mémoire, ou si elles veulent retrouver, toujours selon les mots dudit général, un pays qui s’étendrait « de Dunkerque à Tamanrasset ». Pas plus qu’elles ne s’étendent sur les moyens utilisés pour atteindre leur idéal aussi vague que revendiqué. Étrangement, on assiste aussi à une vague de protestations indignées depuis l'annonce, d'abord officieuse, puis confirmée le 23 novembre, de la venue du pape François à Ajaccio. Tout y passe : outrage devant l’absence du nom de leur pays dans le communiqué du Vatican, incompréhension vexée parce que le pape boude Paris pour lui préférer la Corse, insultes diverses, articles à charge contre Mgr Bustillo, marques ostensibles de chagrin qui masquent mal un dépit profond à l’idée que Santa Maria Assunta, et pas Notre Dame fraîchement restaurée, recevra le souverain pontife. Pour beaucoup, la religion passe bien après le respect de la préséance lutécienne. Et, comme titre des nombreux articles et sujets consacrés à ce voyage, revient toujours cette question lancinante « Pourquoi ? » Pourquoi, et comment le pape a-t-il osé ne pas se plier aux attentes françaises ? Le pouvoir n’est pas épargné, puisque M. Macron a largement pris son temps avant d'adresser une invitation officielle au Saint Père. Confronté au spectacle de cette mesquinerie généralisée, on ne peut que se demander si tous ces gens, de l’Élysée au zinc du coin en passant par les rédactions parisiennes, vont un jour se décider à grandir.
Eric PATRIS