
La relève politique se prépare. Jean-Alain Tarelli, 32 ans, est responsable adjoint des jeunes LR de Haute-Corse et conseiller national LR pour la Haute-Corse. (Entretien avec Christophe GIUDICELLI)
Votre point de vue sur la situation politique nationale ?
On sort des élections européennes, le président de la République a dissous l’Assemblée nationale qui est aujourd’hui morcelée. Il y a eu plusieurs mois d’instabilité politique, et force est de constater que le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur sont de ma famille politique. Donc, pour LR, c’est quelque chose de positif, mais il s’agit malgré tout d’une situation instable. Les Français attendent des résultats.
Michel Barnier est Premier ministre malgré le maigre score de LR aux législatives. Comment l’analysez-vous ?
Ce qu’on disait au départ, c’était un Premier ministre socialiste. On a vu que le PS s’est allié à l’extrême gauche, aux In soumis. Force est de constater que c’est une erreur de la part des socialistes, du centre-gauche et de la gauche traditionnelle. C’est sûr qu’à droite, nous sommes en recomposition. Une petite partie des Républicains a créé l’UDR, qui s’est alliée au Rassemblement National. Nous, c’est nous, et nous n’avons rien à voir avec eux. Nous allons rester sur notre ligne et continuer à travailler pour les Français. Moins de députés, mais LR garde tout de même une influence dans les collectivités locales.
C’est peut-être là la force du parti ?
Nous avons une cinquantaine de députés, mais c’est un groupe incontournable, avec comme président Laurent Wauquiez, ancien président de région, ancien ministre et ancien secrétaire d’État. Nous avons une délégation au Parlement européen et faisons partie du groupe le plus important, celui du Parti Populaire Européen. Beaucoup d’élus locaux, aucune autre formation politique n’en a autant. Nous sommes toujours in contournables et loin d’être morts, comme certains peuvent 16 le dire. C’est un parti de gouvernement. Ce n’est pas un parti de contestation ni de « ras-le-bol », et nous allons continuer à travailler dans ce sens.
Un Premier ministre LR peut-il relancer le parti pour les prochaines échéances électorales selon vous ?
Oui, bien sûr. Cela va relancer notre formation politique car c’est tout de même un Premier ministre. Et pour les élections présidentielles de 2027, c’est aussi de bon augure. C’est très important.
S’agissant de la situation politique en Corse, quel selon vous le bilan de dix ans de gestion nationaliste ?
C’est tout de même l’usure du pouvoir ! Ils sont élus depuis 2015. Ils ont perdu pour la première fois un siège de député en 2024, la 2e circonscription de Haute-Corse. Il y a beaucoup de déçus du nationalisme et de la majorité territoriale. Je le vois souvent sur le terrain. La gestion de la Collectivité de Corse est dans le rouge, il y a beaucoup de recours à l’emprunt. La question des déchets n’est pas réglée, celle des transports non plus, et les embauches continuent à affluer.
Gilles Simeoni avait réussi à élargir sa base électorale à tout le spectre politique, la droite traditionnelle peut-elle justement récupérer les déçus du « simeonisme » ?
La majorité territoriale, c’est plutôt du centre-gauche, de la social-démocratie. Nous, à droite, sommes plutôt libéraux et conservateurs. Mais il y a un électorat à récupérer et je pense que c’est de bon augure pour la suite. Aux dernières élections, notamment dans les zones rurales, les nationalistes n’ont pas atteint leurs attentes dans certaines communes.
L’élection de François-Xavier Ceccoli dans la 2e circonscription face à Jean-Félix Acquaviva est-elle le début d’un nouveau cycle selon vous ?
Oui, absolument. Il est président de la fédération LR de Haute-Corse, mais aussi maire de San Giuliano. Un chef d’entreprise qui travaille la terre, les agrumes. Cela crée une dynamique, surtout en battant un député sortant nationaliste. Je rappelle que nous avons aussi un sénateur et que nous sommes la première force d’opposition à l’Assemblée de Corse. Nous avons des maires dans les villes moyennes et les villages partout en Corse. On parle souvent de l’union des droites, chose compliquée à réaliser en raison des personnalités politiques. Depuis quelques années, il y a des améliorations. Je ne vois plus de querelles d’égo entre les principaux leaders de la droite en Corse, et justement, tout cela se prépare. Les municipales se préparent partout sur le terrain. Et ce sera un tremplin pour les futures territoriales dans un rassemblement assez large. La droite traditionnelle doit désormais faire face à une extrême droite forte, que ce soit au niveau national et régional. Le vote Rassemblement National, local et national, est un vote contestataire, de « ras-le-bol ». Ils en ont marre de tout, mais le RN n’apporte aucune solution. Le fond de commerce du RN, c’est l’immigration, l’insécurité. Ils vivent de ça depuis 40 ans, depuis l’époque du Front National. En Corse, une extrême droite qui se présente comme issue du mouvement nationaliste commence à occuper le terrain. Force est de constater qu’ils se réclament de la famille nationaliste, mais ils sont très, très à droite, je dirais. Là aussi, ils ne parlent que d’immigration et d’insécurité. Pour moi, il n’y a pas que ça. Il y a aussi l’économie, le pouvoir d’achat, l’accès au logement, l’accès à l’emploi. Ensuite, ils ont des alliés européens comme Marion Maréchal et Éric Zemmour. Ce n’est pas du tout ma tasse de thé, rien de plus à déclarer.
Le processus d’évolution institutionnelle, mis à l’arrêt en raison de la crise politique, est finalement dans les cartons du nouveau gouvernement. Quel est votre avis à ce sujet ?
Catherine Vautrin reprend en charge le dossier corse. Elle a une certaine expérience sur les questions de décentralisation. La vraie différence entre nous et les nationalistes, c’est la capacité à légiférer. Je suis plutôt pour renforcer le dispositif actuel des lois et des réglementations d’adaptation. La Corse n’a pas vocation à devenir un pays et à se soustraire au droit national. Au niveau de l’identité, ma région, c’est la Corse ; mon pays, c’est la France. Ce sont deux identités complémentaires et non antinomiques. Quand on parle de la jeunesse politisée en Corse, ce sont surtout les jeunes nationalistes qui sont mis en avant.
La voix des jeunes de droite porte-t-elle assez dans l’espace public selon vous ?
On a encore une marge de progression. En 2018, avec d’autres, on avait monté une liste aux élections du Conseil d’administration de l’Université de Corse. On était à quelques voix près d’avoir un siège au Conseil d’administration. Nous avons tout de même eu, depuis 2017, trois mandatures, un groupe de la droite et du centre à l’Assemblea di a Ghjuventù, mais aussi une structure des Jeunes Républicains en Haute-Corse. Donc évidemment, il y a une marge de progression, aller sur le terrain, convaincre les jeunes et aussi les moins jeunes. Tout cela se travaille, répondre à leurs attentes, faire des remontées de terrain, mais aussi solliciter les jeunes au lieu d’arriver avec un programme tout établi et de leur demander de voter pour nous.
Les jeunes de droite ne souffrent-ils pas d’un problème d’image et de communication ?
Là aussi, ça se travaille, et c’est sur les réseaux sociaux. Il y a pas mal de jeunes de droite qui sont aussi corsophones. C’est vrai qu’il y a une image, mais elle est en train de s’atténuer. Nous commençons à être en progression. Les anciennes figures de la droite insulaire sont toujours présentes, parfois depuis plus de 30 ou 40 ans.
Comment la nouvelle génération parvient-elle à se faire une place ?
Ce n’est pas simple, mais c’est à force de travail, de constance et de rigueur. La politique est un travail collectif, à faire en équipe. Ce n’est pas pour une place ou un poste. Il faut se retrousser les manches, avoir des convictions, être constant et présent à chaque élection et même au-delà. C’est le jeu de la politique. Ces dernières années, il y a eu des jeunes de droite sur des listes. J’étais moi-même présent aux territoriales et aux européennes. Mais faire une liste, c’est une alchimie complexe. Il faut des jeunes, des moins jeunes… Nous allons travailler à améliorer certaines choses.