Economie
INSEE : PRENDRE LE POULS DE L’INFLATION

La fin de l’année approche et les ménages s’inquiètent, encore et toujours, de l’inflation.
Peut-être plus encore en Corse où les prix sont plus élevés que dans l’Hexagone.
Les yeux se tournent alors vers l’Insee qui jouit d’une bonne cote de confiance auprès de la population

Tout le monde connaît l’Insee et dans sa majorité le grand public accorde un fort taux de confiance à ses publications, sans toujours savoir que cet organisme dépend du ministère de l’Economie. Cela étant, s’il est placé sous la tutelle de Bercy, l’Institut national de la statistique et des études économiques n’a ni pour vocation ni pour habitude de laisser qui que ce soit faire dire n’importe quoi aux statistiques qu’il peut produire. Les habitués des réseaux sociaux peuvent en témoigner : sur X, par exemple, il n’est pas rare que les affirmations d’élus, ministres ou représentants politiques fassent l’objet d’un correctif de la part du compte de l’Insee. Et ce dans un langage neutre, car il s’agit seulement de rétablir la vérité des chiffres et des indicateurs. Rien d’étonnant à cela, souligne Christophe Basso, diplômé de l’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse de l’information, attaché statisticien hors classe de l’institut et directeur régional de l’Insee en Corse : « Ces libertés sont garanties par le droit. Nous ne devons pas obéissance aux politiques et avons toute notre indépendance par rapport aux ordres. En effet, une règlementation européenne stipule la garantie de l’indépendance des organismes statistiques. En France, bien que le directeur soit nommé en conseil des ministres, cette indépendance est totale. Notre rôle est d’éclairer le débat public. » La mission la plus connue de l’Insee est sans doute le recensement de la population, mais il y a également les « enquêtes-ménages », comme par exemple l’enquête « emploi en continu », qui mesure le taux de chômage et dont les résultats sont régionaux. « D’autres « enquêtes-ménages », 6 qui concernent évidemment les célibataires et autres foyers monoparentaux, sont également collectées en Corse. Les résultats ne peuvent être exploités qu’au niveau national faute d’échantillons suffisamment importants au niveau local. Par exemple l’enquête « budget des familles » (poids du logement, de l’alimentaire…) n’est que nationale et non régionale », précise Christophe Basso.  

S’agissant de l’inflation, sujet qui préoccupe bon nombre de foyers, notamment en Corse où le coût de la vie s’avère élevé, inutile de chercher des indicateurs régionaux. « On ne mesure pas l’inflation au niveau régional mais, tous les cinq à sept ans, on mesure les écarts de prix entre la Corse et la France continentale (hors Ile de France, et, évidemment DROM, ex. DOM-TOM). Cette « enquête de comparaison spatiale des prix » montre un écart de l’ordre de 7 % au global, mais, si l’on regarde en détail, l’écart sur l’alimentaire est deux fois plus important, de l’ordre de 14 % pour un ménage. Cet écart sur l’alimentaire est le plus visible car il représente 15 % des dépenses du quotidien. Cependant, le prix du tabac est inférieur de 10 % et tabac-alcool réunis de 6 %… mais le prix du tabac augmente et augmentera jusqu’à rejoindre le tarif national. L’inflation, c’est l’évolution mois après mois des prix en France, la comparaison spatiale mesure en un temps donné les différences de prix entre les territoires » explique Antonin Bretel, chef du service études et diffusion et directeur adjoint de l’Insee à Ajaccio. Il précise par ailleurs que s’agissant de la Corse, « Dans l’étude, nous n’avons pas de décomposition exacte mais on sait que le coût des transports a un impact évident sur les prix. L’absence de supermarchés low-cost explique aussi cette différence. » Quant au fameux panier des ménages, dont l’évolution d’un mois sur l’autre, permet de connaître l’inflation, il est défini nationalement, ajoute Paul-Antoine Beretti, adjoint à la cheffe de la section consommation des ménages à la direction générale de l’Inseee, « il comprend tout ce qui est consommé : produits alimentaires et boissons non alcoolisées ; boissons alcoolisées et tabac ; articles d’habillement et chaussures, ; logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles ; meubles, articles de ménage et entretien courant de la maison ; santé ; transports ; communication ; loisirs et culture ; enseignement ; restauration et hôtels ; biens et services divers (garde d’enfant, cotisations à des associations…). 150 000 produits sont relevés sur le terrain par des enquêteurs et 500 000 prix sont relevés automatique ment via Internet et les données de caisse. Ce panier est réévalué chaque année afin de s’assurer que sa composition reste actuelle. Reste le problème du « ressenti » du consommateur, toujours supérieur aux chiffres collectés. » 

Cette disparité entre le ressenti des ménages et ce que me sure l’institut à travers l’indice des prix à la consommation (IPC), qui s’est accrue avec le passage à l’euro, tient à différents facteurs, explique l’Insee. Tout d’abord, l’IPC se réfère à un panier de consommation moyen alors que les consommateurs retiennent probablement leur propre structure budgétaire. L’évolution des prix calculée avec des paniers différents de consommation (ceux d’un ouvrier ou employé urbain, par exemple) diffère cependant peu de l’inflation moyenne au cours des quinze dernières années. Ensuite, les ménages accorderaient plus d’importance aux prix en hausse qu’aux prix en baisse ou stables car ce sont les premiers qui peuvent constituer une menace pour l’équilibre de leur budget. Autre élément d’explication, le consommateur observe d’autant mieux les variations de prix que les produits sont achetés plus fréquemment : il est par exemple plus particulièrement sensible aux hausses du prix du pain qu’aux baisses du prix des appareils électroménagers. Or, le prix de ces biens durables a tendance à baisser. Enfin, l’indice des prix à la consommation mesure une évolution de prix à qualité constante des produits consommés. Or, de nombreux biens durables ont connu une amélioration de leur qualité : les smartphones achetés aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec les premiers téléphones mobiles. L’Insee propose d’ailleurs sur son site un outil interactif permettant de simuler son indice des prix à la consommation personnalisé.* 

Cela dit, Paul-Antoine Beretti confirme que le sentiment, lors des deux dernières années, de voir les coûts augmenter n’était pas une fausse perception puisque « Nous avons connu une forte période d’inflation à partir de 2022, les causes évidentes en étant le Covid et la guerre en Ukraine ; cette inflation s’est poursuivie jusqu’en 2023. En 2024, l’inflation se calme, ce sont des mouvements cycliques et heureusement. Pour l’alimentaire, et uniquement l’alimentaire, l’inflation a été de 11,8 % en 2023 et devrait passer, selon nos prévisions à 1,3 % en 2024. Sur le total de l’inflation, s’il était de 4,9 % en 2023, il devrait être de 2,0 % en 2024. » 

Roselyne BERETTI