L’hiver vient
L’hiver vient, mais nous sommes encore en automne, période propice à la migration pour certains oiseaux. Sur Internet aussi, une migration est en cours : la tendance est à quitter X pour aller sur BlueS ky. Depuis le 19 novembre 2024, le réseau social qui a fait ses débuts en avril 2023 a dépassé les 20 millions d’utilisateurs, et le 20 novembre on comptait 8 nouvelles inscriptions par seconde. Et ça fait beaucoup parler… sur X ! Pourquoi pas, d’ailleurs, puisque BlueSky a un compte X et ne se prive pas d’y annoncer ses progrès. Il y a ceux qui plient purement et simplement bagages parce qu’ils aspirent à changer d’air, comme l’a fait le quotidien Sud-Ouest ; ceux qui se partagent entre les deux réseaux, soit parce qu’ils sont encore indécis, soit parce que tout en estimant que l’atmosphère de BlueSky est moins délétère, il faut rester sur X pour ne pas l’abandonner aux diffuseurs de fake news. Il y a également ceux qui ironisent sur ce nouveau réseau « de wokes », s’exclament « bon débarras ! » Et puis filent ouvrir un compte BlueSky parce que, manifestement, ils s’ennuient ferme sans leurs bêtes noires « fragiles ». Ils en sont souvent pour leurs frais, car sur l’autre réseau, on est pour l’instant déterminé à ne donner aucune prise et aucune visibilité à ceux qui sont accusés d’avoir flingué l’ambiance sur ce qui était autrefois Twitter. Les « don’t feed the trolls » et autres « no oxygen for the trolls » circulent, sur les comptes US comme français. Bien sûr, ça rappelle un peu les albums de Lucky Luke et ces pionniers en chariots bâchés qui forment un cercle pour mieux résister à l’attaque d’une bande de desperados et oui, ça peut faire sourire. Mais pourquoi en vouloir à des gens de tenter de créer un espace de dialogues et d’échanges un peu plus sociable ? D’aspirer à autre chose que des débats stériles et toxiques ? On peut objecter, comme le font certains pour le port du masque, que se plaire dans une bulle, même virtuelle, risque de créer une sorte de « dette immunitaire » en coupant les internautes de la dure réalité de ce monde. Est-ce bien certain ? Sauf à vivre dans une caverne, le réel nous rattrape chaque jour, nous agrippe au col let, nous étreint la gorge. Quelques minutes de répit çà et là, ça ne se refuse pas.
Élisabeth MILLELIRI