
Depuis son lancement en 2002, jamais encore le Liet international, concours de la chanson pour les langues régionales minoritaires, n’avait été organisé en Corse. Cette année, la ville de Bastia s’est vue confier le soin d’accueillir la finale du 14e Liet international, le 22 novembre au centre culturel L’Alb’Oru. Une première qui allait de soi après la victoire en 2022, à Tondern, au Danemark, de l’artiste corse Doria Ousset avec le titre Roma.
Selon vous, qu’apporte ce concours aux langues minoritaires ?
En Corse, on est conscients que la langue joue un rôle important pour notre identité. Cela dit, il est plus facile, par le chant, de faire entendre sa voix, sa langue. Le chant est le vecteur parfait pour la propager et faire en sorte qu’elle ne se perde pas. On se rend compte qu’il y a énormément de langues minoritaires. Je découvre sans cesse des langues que je ne connaissais pas
Lorsque vous avez pris part au Liet, quels genres musicaux vous attendiez-vous à y entendre ?
On pourrait s’attendre à des genres musicaux plutôt traditionnels, car on peut avoir une vision un peu vieillotte de ces langues, alors que ce n’est pas du tout le cas. On a des jeunes artistes qui ont choisi de s’exprimer avec des genres ultra modernes, comme l’électro, par exemple. Les candidats sont d’ailleurs sélectionnés aussi en fonction de la diversité des genres musicaux.
Vous-même avez remporté l’édition 2022 avec Roma, une chanson rock. Le rock est un genre qu’a priori on associe encore trop peu avec la langue corse…
C’est particulier parce qu’il y a toujours eu du rock en corse mais qui séduisait un tout petit public. Le Corse adore le rock, mais à partir du moment où on utilise sa langue pour en faire, ça peut devenir problématique. Venant d’une famille de chanteurs traditionnels, je suis passée par là. La langue corse est assez sacralisée, encore perçue comme centrée autour du style musical traditionnel et on peut croire à tort que si on l’extrait de ce genre-là, ça ne sera pas musicalement beau. Quand on a une culture musicale plus ouverte, on s’aperçoit qu’il n’y a qu’à traverser la mer Méditerranée et voir le rock italien qui est phénoménal, tout comme le rock espagnol. Donc, les langues latines, qui sont chantantes et qui ont du rythme, sont en adéquation avec le rock. Ne souhaitant pas faire du traditionnel et ayant baigné dans le rock lorsque j’étais petite, cela s’est naturellement imposé à moi. Les temps ont changé, on est beaucoup plus ouverts, non seulement au rock mais à d’autres genres contemporains comme le rap.
Lorsque vous êtes parvenue en finale, au Danemark en 2022, vous sentiez-vous suffisamment préparée pour l’emporter ?
Très honnêtement, je ne pensais véritablement pas gagner. J’avais vu les représentations de tous les artistes, certains étaient bien plus connus localement que moi. Malgré cela, il était hors de question de s’y rendre sans préparation ni travail. Je suis une grande travailleuse et pour un tel évènement, ce n’est pas uniquement ta personne qui est représentée mais aussi ton pays et surtout ta langue. Avec mes six musiciens, on a travaillé la chanson qui est très produite pour lui donner la même envergure sur scène avec moins d’instruments. L’arrangement scénique a donc été un point majeur du travail en amont. J’ai pris des cours de chant car Roma est une chanson exigeante et j’avais la volonté de pouvoir assurer convenablement les notes les plus difficiles.
Quelles ont été les retombées de cette victoire ?
Au Danemark, l’évènement a été énormément suivi par les pays nordiques et scandinaves et il est généralement très largement couvert par les journalistes. J’ai également été invitée au Parlement européen pour chanter, je n’aurai jamais pu le faire sans cette victoire au Liet.
Propos recueillis par Frédéric BOURREAU-MICAELLI
Souvent présenté comme « l’Eurovision des langues minoritaires » le Liet International a été créé et développé à partir de 2002 afin offrir une scène à des groupes ou artistes modernes qui chantent dans une langue minoritaire. Si les premières éditions se sont déroulées à Leeuwarden, aux Pays-Bas, depuis 2006 l’événement voyage à travers l’Europe. Depuis 2008, le concours est placé sous le patronage du Conseil de l’Europe. Doria Ousset est la deuxième artiste corse à remporter le Liet, après Jacques Culioli en 2008, avec la chanson Hosanna in excelsis