Pour de nouvelles activités pédagogiques en attendant la rentrée de septembre
Conformément à ses compétences, l’Assemblée de Corse a décidé de reporter la réouverture des collèges et des lycées au mois de septembre. Les incertitudes existant au sujet du Covid-19, l’absence de traitement et les faibles capacités de nos hôpitaux, nous ont en effet naturellement conduits à faire prévaloir le principe de précaution au regard des risques encourus.
Le protocole de distanciation sociale en milieu scolaire nous interroge quant aux réelles motivations du gouvernement. Il est d’abord inopérant au plan sanitaire. En cas d’élèves atteints du Covid, de nombreuses écoles ont déjà été contraintes de refermer leurs portes, amenuisant encore davantage la confiance des familles. En outre, il met en scène des enfants dans des situations insensées et choquantes, des classes sans livres aux élèves enfermés dans des carrés tracés au sol. Ces « dispositifs pédagogiques » illustrent par l’absurde combien la méthode gouvernementale est éloignée des objectifs de socialisation et des visées éducatives de l’Ecole. Peut-être devrait-on aussi continuer de croire qu’il n’y a « jamais eu de rupture de masques » ?
La décision souveraine de l’Assemblée de Corse n’est en rien un témoignage de désinvolture de la représentation de la Corse à l’égard de l’éducation et de la jeunesse. Nous n’avons eu de cesse de le dire, et nous avons la faiblesse de croire que nous avons démontré par nos actes combien l’émancipation de la jeunesse par la culture et par la connaissance est notre priorité. Réouverture de l’Université, création de l’Assemblea di a Giuventù, demande d’un cadre normatif spécifique pour l’académie de Corse, en passant par l’extension du Pass’cultura jusqu’au soutien à la vie étudiante, en toutes circonstances, la vitalité de la jeunesse guide nos actes.
Pour notre part, nous n’avons pas attendu la crise sanitaire actuelle pour découvrir que le modèle scolaire français était, malheureusement, une puissante machine de reproduction sociale et d’aggravation des inégalités, comme en témoigne la chute constante de la France au classement PISA.
La décision de l’Assemblée de Corse est l’affirmation de la préférence de la santé des jeunes et de leur entourage, sur toute autre considération. Elle signifie aussi qu’il nous revient de proposer, outre l’enseignement à distance qui doit perdurer et s’améliorer, des actions hors les murs à destination des plus jeunes, et notamment de ceux issus des milieux les plus défavorisés. Celles-ci seraient orientées à la fois en direction d’un renforcement de l’accompagnement scolaire mais également de la mise en œuvre d’activités culturelles et sportives innovantes.
La réouverture de nos espaces naturels, maritimes et montagneux, de nos sites patrimoniaux et culturels, peut servir de base pour un accès renouvelé et démocratisé aux savoirs et à la découverte de notre territoire durant la période estivale. Ces nouvelles activités pédagogiques, expérimentées en raison de la crise, mais dont le bien-fondé pourrait conduire à une pérennisation par la suite, auraient pour bénéfice d’offrir au plus grand nombre un accès à la connaissance. En outre, elles permettraient de développer des échanges entre jeunes issus de milieux socioculturels différents, tant la mixité fait défaut dans le système éducatif français, qui en dépit de certaines prises de conscience récentes, était avant la crise, le plus inégalitaire des pays de l’OCDE.
L’organisation de ces activités devra tenir compte du respect des mesures sanitaires, en privilégiant notamment les espaces extérieurs, et en tenant compte de l’évolution de l’épidémie. La sécurité pourrait être assurée par une politique de tests gratuits à destination de l’ensemble des participants. En pratique, ce dispositif permettrait de nouer ou de renforcer des partenariats entre le milieu scolaire et des encadrants, dont certains sont gravement menacés par la conjoncture économique (professionnels des activités de pleine nature, guides-conférenciers), mais aussi avec des ligues et associations sportives ou des institutions telles que le Parcu di Corsica (PNRC).
Démontrons ainsi que le droit à l’éducation, brandi opportunément en étendard par certains ces derniers jours, constitue un bien commun qui nous appelle à inventer les adaptations nécessaires, y compris lorsque des circonstances impérieuses nous contraignent à maintenir fermés nos bâtiments scolaires.