Chers collègues, 

À en croire les dernières déclarations, la réduction de toutes les inégalités serait devenue la première priorité du Gouvernement français. Il en va des inégalités devant la santé, comme de celles devant l’éducation. Ce serait d’ailleurs la motivation de ceux qui cherchent à faire rouvrir les écoles à tout prix. Ils disent que la reprise de l’école permettra aux enfants qui connaissent des difficultés sociales de retrouver une vie plus sereine. Comme s’il y avait d’un côté les bons qui veulent ouvrir les écoles pour aider les enfants en difficultés sociales et scolaires, et de l’autre côté, ceux qui n’auraient aucun égard ni pour leur éducation, ni pour leur vie de famille.

La situation me paraît bien différente, et bien plus claire à la fois. 

Je lis et j’entends les études scientifiques internationales, le conseil scientifique installé par Emmanuel Macron, le conseil scientifique corse, les maires corses, les trois cents maires parisiens, les syndicats d’enseignants, les parents d’élèves, qui demandent tous le report de la rentrée au mois de septembre. 

Je regarde l’Europe. Je regarde les pays qui ont reporté la rentrée au mois de septembre, comme l’Italie ou l’Espagne. D’autres pays ont choisi de débuter la réouverture des établissements en direction des plus grands, ceux qui sont capables de respecter les gestes barrières. Parmi les pays qui nous entourent, la France est le seul pays d’Europe à rouvrir ses écoles le 11 mai prochain pour les plus petits. 

Avec cette décision maladroite, pour ne pas en dire davantage, les élèves, leurs professeurs et leurs parents, se retrouveront en première ligne face aux risques de contamination après le déconfinement. 

Fermer les écoles, cela ne veut pas dire abandonner les enfants. Il y a d’autres activités de pleine nature que nous pourrions leur proposer, avec des séjours en montagne ou à la mer, avec des accompagnateurs, après un dépistage de chacun. Nous pouvons trouver les solutions. Il faut les trouver en suivant des objectifs sanitaires et pédagogiques, pour vivre, grandir et vaincre l’épidémie. 

La question de la responsabilité se pose à chacun d’entre nous.

La rentrée, même restreinte, représente un danger. Sans jeux ni livres, elle représente une tromperie. Nous ne voulons plus entendre dire que nous sommes obligés de suivre. Nous ne voulons plus revoir le film du premier tour des élections municipales. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.

Je comprends le risque « d’écroulement » économique évoqué par le Premier ministre, mais qu’y aurait-il de pire pour un pays que d’abandonner sa jeunesse à des risques déraisonnés, identifiés, documentés, prouvés par les scientifiques ? Nous ne pouvons pas expliquer d’un côté, devant le Parlement français, l’évolution de l’usage des masques suite à l’évolution de la doctrine scientifique, et de l’autre, balayer les demandes internationales, répétées et claires des scientifiques, d’autant plus lorsqu’il s’agit de la santé des enfants. Quant aux discours sur les inégalités scolaires et sociales, quand chacun connait la place de la France, au fond du classement de l’OCDE, nous ne pouvons pas nous y fier. Cette question est très ancienne, je crois qu’elle aurait mérité que l’on s’y intéresse plus tôt. 

La position que nous devons prendre aujourd’hui, vous l’aurez compris, n’a rien à voir avec l’idéologie. Il ne s’agit pas de s’opposer à Paris. Il s’agit de savoir si les élus de la Corse sont capables de prendre des décisions, de savoir s’ils sont devenus grands, de s’affirmer dans le seul sens des intérêts de la Corse et de protéger les Corses.